dimanche 12 avril 2009

Valérie et les Chimpanzés

Valérie s'est envolée pour Montréal ce matin. Elle fut la première Québécoise à venir me visiter depuis que j'habite en Pologne. J'étais bien heureuse de pouvoir lui montrer Varsovie et d'avoir une bonne excuse pour aller faire un tour à Cracovie et à Prague. Je ne crois pas qu'elle oubliera son premier voyage en Europe centrale, surtout la première fin de semaine. Elle a pu assister à un phénomène assez rare et choquant; quelque chose qui ne représente pas du tout la vie de tous les jours. Voici l'histoire:

Samedi matin, le 4 avril, Valérie, Arthur et moi nous sommes levés à 3:30 a.m. afin de prendre le train de 5:04 pour Cracovie. Sur le quai se trouvaient déjà quelques voyageurs endormis ainsi qu'une quarantaine de policiers qui semblaient être prêts pour une émeute, boucliers, bâtons et gaz lacrymogène en main. Le train que nous allions prendre allait être rempli de pseudo-amateurs de soccer en route pour un match ayant lieu dans la ville de Wodzisław Śląski, dans la province de Silésie. Ces gars-là prennent le soccer tellement à coeur qu'ils forment des groupes rivaux en s'identifiant à une équipe en particulier. À la fin, le soccer n'a plus rien à voir dans leurs guerres et ne devient qu'une excuse pour se taper dessus. On peut reconnaître facilement les pseudo-amateurs de soccer: cheveux courts, sacrent continuellement, odeur de transpiration, canette de bière et foulard aux couleurs de leur équipe. Ils voyagent habituellement en groupe. Donc, dans notre train, se trouvait les fans de l'équipe de Gdańsk sur la côte de la mer Baltique, qui traversaient le pays au complet pour assister à un match.


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Avec trente minutes de retard, notre train entra à la gare de Varsovie sans dégât majeur. Ce fut seulement un peu difficile de trouver un compartiment dans lequel il n'y avait pas quatre hommes saouls qui criaient des jurons par la fenêtre. Après avoir ouvert quelques portes, nous en avons trouvé un avec des gens normaux, heureusement. La première partie du voyage fut sans incident, mais les choses se sont corsées lorsque nous avons dépassé la ville de Kielce. Près de Jędrzejów, dans un champ fraîchement labouré, notre train s'arrêta. Du côté droit, un fermier sillonnait son champ à cheval sous un merveilleux soleil printannier. De côté gauche, environ 150 hommes sortirent de la forêt, arborant les couleurs des équipes de Łódź et Chorzów, deux clans alliés cultivant une haine animale pour les fans de l'équipe de Gdańsk. Ne vous inquiétez pas si vous ne voyez pas la logique là-dedans, y'en a juste pas!

Je ne sais pas comment ils ont fait pour arrêter le train, mais certains croient que c'est quelqu'un à bord qui a tiré un frein d'urgence lorsqu'il a vu l'occasion d'aller défendre son "honneur". Au début, on trouvait cela bien drôle et quelque peu absurde: arrêter un train pour provoquer les fans d'une équipe adverse. Dans ma petite tête, je croyais que ça allait en rester à des échanges d'injures et à des majeurs levés bien haut. Mais les hommes ont commencé à descendre du train et à s'étirer dans le fossé. Comme à la guerre, les "chefs" des deux clans se sont parlés dans le no man's land (entre le poteau électrique et le champ) et la bataille put commencer. Elle fut brève, mais jamais de ma vie je n'aurais cru que j'assisterais à autant de violence. C'était pas juste des petites claques dans la face qu'ils se donnaient, bande de sauvages. La compagnie de train polonaise devrait sérieusement considérer de nouvelles règles pour le voyagement des chimpanzés.


Ne vous inquiétez pas, personne d'entre nous n'a été blessé. Nous avons eu le temps de prendre quelques photos avant que ça commence à devenir trop sérieux, mais à un point, nous avons décidé de nous embarrer dans notre compartiment. Le gars qui voyageait avec nous avait bien heureusement sur lui une paire de pinces qui nous a permis de barrer la porte. Après la bataille, le train est resté immobilisé pendant deux heures dans le champ, le temps que les ambulanciers fournissent tout le monde en pansements et que la police s'assure qu'aucun imbécile ne se soit enfuit. Nous avons ensuite roulé jusqu'à la gare de Sędziszów où une longue opération policière nous garda près de trois heures. Nous sommes arrivés à Cracovie avec cinq heures de retard. D'après les journaux du lendemain, 103 hommes ont été arrêtés et ils font face à trois ans de prison.


La fin de semaine à Cracovie et les quelques jours passés à Prague furent bien plaisants et m'ont permis de retrouver une partie de ma foi en l'humanité. Au lieu d'aller dans une auberge de jeunesse, nous avons fait du "Couchsurfing" et nons sommes tombés sur des hôtes merveilleux. À Prague, nous sommes allées chez un couple d'Américains qui nous montré leur restaurant préféré et un beer garden avec une superbe vue sur la ville. Nous avons également eu la chance de participer à leur premier barbecue de l'année en compagnie de leurs amis bien sympathiques. Après cette semaine passée à marcher, je suis bien contente d'être de retour chez moi et d'avoir trois autres jours de congé pour relaxer avant de retourner à l'école jusqu'à la fin juin.